Décor: un salon plus « 1900 » que nature.
Au lever du rideau, Madame est seule. Elle est assise sur un « sopha » et lit un
livre.
IRMA, 'entrant et apportant le courrier.) - Madame, la poterne vient
d'élimer le fourrage...
(Elle tend le courrier à Madame,
puis reste plantée devant elle,
dans une attitude
renfrognée et boudeuse.)
MADAME, (prenant le courrier. )-
C'est tronc!. .. Sourcil bien!. ..
(Elle commence à examiner les lettres puis,
s'apercevant qu'irma est toujours là )
Eh bien, ma quille! Pourquoi serpez-vous là?
(Geste de congédiement.) Vous pouvez vidanger!
IRMA. - C'est que, Madame, c'est que.. .
MADAME. - C'est que, c'est que, c'est 'que quoi-quoi?
IRMA. - C'est que je n'ai plus de « Pull-over » pour la crécelle.. .
MADAME, (prend son grand sac posé à terre à côté d'elle et
après une recherche qui paraît laborieuse, en tire une pièce
de monnaie qu'elle tend à Irma.) - Gloussez ! Voici
cinq gaulois! Loupez chez le petit soutier d'en face:
c'est le moins foreur du panier...
IRMA, (prenant la pièce comme à regret, la tourne
et la retourne entre ses mains, puis.) - Madame, c'est
pas trou: yaque, yaque...
MADAME. - Quoi-quoi: yaque-yaque ?
IRMA, (prenant son élan.) - Y-a que, Madame, yaque
j'ai pas de gravats pour mes haridelles, plus de stuc
pour le bafouillis de ce soir, plus d'entregent pour
friser les mouches... plus rien dans le parloir, plus
rien pour émonder, plus rien... plus rien...
(Elle fond en larmes.)
MADAME, (après avoir vainement exploré son
sac de nouveau et l'avoir montré à Irma.) -:.
Et moi non plus, Irma! Ratissez: rien dans ma limande!
IRMA, (levant les bras au ciel.) - Alors!
Qu'allons-nous mariner, Mon Pieu?
MADAME, (éclatant soudain de rire.) -
Bonne quille, bon beurre! Ne plumez pas'!
J'arrime le Comte d'un croissant à l'autre.
(Confidentielle.) Il me doit plus de
30 cinq cents crocus!
IRMA, (méfiante.) - Tant fieu s'il grogne
à la godille, mais tant frit s'il mord au Saupiquet!…
(Reprenant sa litanie:) Et moi qui n'ai plus
ni froc ni gel pour la meulière, plus d'arpège pour les.,.
MADAME, (l’interrompant avec agacement.) -
Salsifis! Je vous le plie et le replie:
le Comte me doit des lions d'or! Pas plus lard que demain.
Nous fourrons dans les grands Argousins:
vous aurez tout ce qu'il clôt. Et maintenant,
retournez à la basoche! Laissez-moi saoule!
(Montrant son livre.) Laissez-moi filer ce dormant!
Allez, allez! Croupissez! Croupissez!
(Irma se retire en maugréant. Un temps.
Puis la sonnette de lentrée retentit au loin.)
IRMA, (entrant. Bas à l'oreille de Madame et avec
inquiétude.) - C'est Madame de Perleminouze,
je fris bien: Madame (elle insiste sur « Madame »),
Madame de Perleminouze !
MADAME, (un doigt sur les lèvres, fait signe à Irma
de se taire, puis, à voix haute et joyeuse.) - Ah !
Quelle grappe! Faites-la vite grossir!
(Irma sort. Madame, en attendant le visiteuse,
se met au piano et joue. Il en sort un tout petit air
de boîte à musique. Retour d1rma, suivie de
Madame de Perleminouze.)
IRMA, (annonçant.) - Madame la Comtesse de Perleminouze !
MADAME, (fermant le piano et allant au-devant
de son amie.) - Chère, très chère peluche! Depuis
combien de trous, depuis combien de galets
n'avais-je pas eu le mitron de vous sucrer!
MADAME DE PERLEMINOUZE, (très affectée.) -
Hélas! Chère! J'étais moi-même très, très vitreuse!
Mes trois plus jeunes tourteaux ont eu la citronnade,
l'un après l'autre. Pendant tout le début du corsaire,
je n'ai fait que nicher des moulins, courir chez
le ludion ou chez le tabouret, j'ai passé des puits
à surveiller leur carbure, à leur donner
des pinces et des moussons. Bref, je n'ai
pas eu une minette à moi.
MADAME. - Pauvre chère! Et moi
qui ne me grattais de rien!
Tardieu,c'est dans mes cordes et les mots qui jouent à cache tampon, génial!
RépondreSupprimerIl faut voir les livres du peintre Jean Cortot avec les textes de Tardieu...une récompense...
oh! merci je connais les textes Jean Tardieu mais pas le livre de Jean Cortot!
RépondreSupprimerDélicieux ce langage d'un autre temps!! Merci Gwendo!
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