Je l'ai vue suspendre, dans un cerisier, un épouvantail à
effrayer les merles, car l'Ouest, notre voisin, enrhumé et
doux, secoué d'éternuements en série, ne manquait pas
de déguiser ses cerisiers en vieux chemineaux et coiffait
ses groseilliers de gibus poilus. Peu de jours après,
je trouvais ma mère sous l'arbre, passionnément immobile,
la tête à la rencontre du ciel d'où elle bannissait
les religions humaines… - Chut !… Regarde… Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises,
buvait le jus, déchiquetait la chair rosée… - Qu'il est beau !… chuchotait ma mère. Et tu vois comme
il se sert de sa patte? Et tu vois les mouvements de sa tête
et cette arrogance? Et ce tour de bec pour vider le noyau?
Et remarque bien qu'il n'attrape que les plus mûres… - Mais, maman, l'épouvantail… - Chut !.. L'épouvantail ne le gêne pas… - Mais, maman, les cerises !.. Ma mère ramena sur la terre ses yeux couleur de pluie: - Les cerises ?.. Ah ! oui, les cerises… Le merle était parti, gavé, et l'épouvantail
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